dimanche 16 septembre 2007

Toutes mes apologies

Chers lecteurs, j’ai senti la rumeur de mécontentement parcourir vos circuits, j’ai senti le vent de votre déception souffler sur mon adresse IP, vous vous sentiez abandonnés, car j’ai laissé ce blog en friche depuis au moins un mois. Je me sens affreusement coupable, car j’ai moi-même pris l’habitude de régulièrement consulter certains blogs, et quelle ne serait pas ma déception de les voir s’arrêter du jour au lendemain…

Pour me faire pardonner, je vous fais la promesse solennelle, durant les deux semaines qu’il me reste à passer à l’est, de vous publier un petit article chaque jour. Bien sûr, j’anticipe les pièges abominables de la flemme qui risqueraient de me faire manquer à cet engagement. Aussi, à l’heure où je vous parle, depuis ce petit café de la rue Khreshtshatik, accompagnée uniquement d’une jolie bière toute blonde et d’un paquet de Parliament lights flambant neuf (pas de msn ni de facebook pour me détourner de vous), je vais rédiger à l’avance la plupart de ces billets. Bien sûr, ils perdront un peu de leur spontanéité, mais ils y gagneront en recul, en réflexion. En cas d’actualité brûlante, le billet sera adapté, bien entendu.

« Gloire au travail »

C’est ce qu’on peut encore lire, en lettres rouges, sur les murs des usines dès qu’on s’éloigne un peu du centre de Kiev. Cette inscription fait doucement rigoler n’importe quel occidental arrivé en Ukraine, habitué à un service irréprochable, souriant et efficace qu’on ne remarque même plus de par chez nous tellement on est habitué. Vous vous doutez bien que si, à l’époque de l’économie planifiée on se sentait obligé d’encourager les ouvriers au travail par de telles inscriptions, c’est qu’ils y étaient peu enclins. Aujourd’hui, ce n’est plus vraiment à la mode d’ériger des statues aux glorieux travailleurs. Mais les gens qui travaillent ont encore ce besoin de motivation, qui du coup leur fait gravement défaut… Petit florilège d’exemples :

Les rasoirs

Arrivée à Kiev, nez au vent et pleine de motivation, j’attaque bravement mon étude de marché par une série de coups de fils aux entreprises qui m’intéressent. Première tentative, chez les rasoirs. Très fière de mon petit speech préparé soigneusement, je récite dans mon meilleur russe : « Oui, bonjour, je m’appelle Natacha, je représente une entreprise française pour faire une étude de marché, et bla et bla et bla , et je voudrais parler à un responsable commercial». Silence perplexe de la standardiste. « Ah, vous êtes française, l’assistante marketing est française, je vous la passe… ». S’en suit bien sûr cinq minutes d’attente avant que je tombe sur ladite assistante qui, très gentille, est vraiment désolée mais ne peut pas m’aider car « il faudrait plutôt voir avec un commercial ». Hum. Je rappelle, je réexplique patiemment l’histoire à la secrétaire, qui veut me repasser l’assistante marketing, mais cette fois-ci je dis non, vraiment, il me faut un commercial. Bon, ça n’a pas l’air de lui plaire, mais après moult insistance j’obtiens le nom du commercial, mais il faut d’abord passer par son assistante. Qu’à cela ne tienne, j’appelle l’assistante, qui me dit « non, monsieur Popov est sorti, rappelez demain ». Je rappelle le Popov le lendemain, mais cette fois-ci il était parti déjeuner mais de toute façon « il part en komandirovka (voyage d’affaire) ce soir, donc rappelez plutôt la semaine prochaine Lorsque enfin, la semaine suivante j’arrive à parler à monsieur Popov, il me dit « mmm, je n’ai pas le temps de vous recevoir, là, trop de travail, rappelez le mois prochain ». Bon, ben c’est pas gagné…

Le chocolat

Autre variante : les trucs au chocolat. « Oui, bonjour, je m’appelle Natacha, nin nin nin, étude de marché, nin nin nin, je peux parler à un commercial ? », réponse cinglante de la standardiste « Non, mais mademoiselle, on ne va pas vous recevoir, on ne fait pas ce genre de chose » « Mais je… » Bip, bip… Jolie raccorchage à la figure. Mais, ha ha ! Vous me connaissez, les amis, quand on me ferme la porte, je fais tout pour rentrer par la fenêtre… Et sur ce coup j’ai été bien maligne. La boîte étant d’origine suisse (genre grosse boîte que tout le monde connaît), je suppute que le patron est francophone. Petite recherche, et bing, merci Yandex (car les russophones snobent Google, ici c’est Yandex les rois du pétrole), je récupère l’adresse mail du big boss. Je lui rédige une demande très polie, mettant en avant que je suis une jeune étudiante toute seule à Kiev (de Sciences Po, bien sûr), et que j’aurais besoin d’un tout petit peu d’aide, une demi-heure pas plus, et vraiment votre aide me serait très précieuse… Bingo ! Quelques jours plus tard, réponse de la secrétaire du big boss qui me donne le numéro de portable du chef commercial qui s’occupe pile de ce qui m’intéresse et qui est « au courant ». Résultat, ce même commercial m’a très gentiment donné absolument toutes les informations que je voulais, ainsi que les numéros de téléphones de tous les contacts que je lui réclamais… Cette technique du mail suppliant au big boss francophone est résolument la bonne, car elle a aussi très bien marché pour rencontrer les fromages (s’en est d’ailleurs suivie une rencontre primordiale dans ce séjour, que je vous conterai demain).

Les supermarchés Gudule

Enfin, il y a eu les supermarchés Gudule, qui doivent ouvrir une chaîne de magasins l’an prochain. J’avais à ma disposition deux numéros (merci le chocolat !) : le standard et le directeur commercial, il me fallait celui de l’acheteur. Qu’à cela ne tienne, je commence par le standard. On me passe alors une dame qui m’explique qu’en fait il n’y a pas pour le moment d’acheteur en Ukraine, vous comprenez la chaîne n’ouvre que l’an prochain, et c’est au siège, en Allemagne, que tout se décide. Donc, non, désolée, mais il n’y a personne qui pourrait vous aider en Ukraine. Et là, c’est le drame, parce qu’il fallait vraiment que le les rencontre, ces gens de chez Gudule. Me vient alors l’idée de retenter ma chance auprès de mon second contact, le directeur commercial et là, rebingo ! « Mais bien sûr, voici le numéro de l’acheteur, il est là cette semaine, vous pouvez le rencontrer sans problème »… Ce que j’ai fait dès le lendemain.

Morale de l’histoire

On peut toujours obtenir ce qu’on veut ici, mais il faut insister, rappeler, réexpliquer, et ne pas hésiter à demander la même chose à différents niveaux de la hiérarchie. C’est vraiment un boulot pour emmerdeur professionnel… C’est sans doute pour ça qu’il me va si bien !

C’est tout pour aujourd’hui, les enfants, mais demain, je vous raconterai comment je me suis forgée une vie sociale...

1 commentaire:

Alcibiade a dit…

Ah, depuis le temps que ce blog était guetté sans aucun post à se mettre sous la dent.

Mais ce post est encore une démonstration de la supériorité d'une économie planifiée. Il aurait suffit de connaître quelqu'un bien placé au Politburo et tu aurais eu tous les contacts dans les 5 minutes avec des gens attentionnés, car sinon Gulag.

On attend bien sûr à Paris, le prochain billet, car je ne peux que vous faire part de l'incompréhension de la Capitale quand nous avons appris que Natacha n'avait "pas de vie sociale" en Ukraine. Ce qui, je dois le dire, nous étonnait quand même de notre petite Agathon.