vendredi 20 juillet 2007

Arrivée à Kiev

Impressions générales

Ca y est, je me sens en terrain connu ici. Des blondes, des paillettes, du cyrillique, des messieurs qui crachent par terre et d’énormes panneaux publicitaires pour des crédits bancaires…enfin ! Je retrouve des repères que j’avais développés à Moscou, je sais comment m’adresser aux gens, comment m’orienter dans le métro, qui a les mêmes escaliers interminables qui donnent l’impression de descendre à la mine… Même les alarmes de voiture qui se déclenchent à tout bout de champs font les mêmes « yuion-yuion –bvvvvvvvv » qu’à Moscou… Dans ces conditions, difficile de me souvenir que je suis dans un autre pays. Ca a notamment été assez bizarre de constater que tout ici est écrit en ukrainien… Dans l’ensemble je peux deviner ce que disent les écriteaux, mais la langue est toute de même différente. Et puis dans le métro, qui est tellement similaire au moscovite, ça m’a fait un drôle d’effet d’entendre la sempiternelle annonce « Ostorojno, dveri zakrivaiutsja, sleduiushaia stantsia… » (Attention, les portes se referment, prochaine station…), répétée à chaque arrêt du train, en ukrainien ! Ca ressemble, mais c’est pas tout à fait pareil. De telles remarques peuvent paraître très stupides de l’extérieur, j’en suis bien consciente, mais vu d’ici, je vous assure que c’est ce qu’on ressent en premier quand on est habitué à Moscou et qu’on découvre Kiev.

L’habitat

J’ai trouvé où me loger très facilement, heureusement, je vis dans un trois pièces très soviétique, avec tentures à fleurs, balcon en bois et parties communes d’immeubles glauques, près du centre et pour par grand chose comme loyer. Tout ça pour moi toute seule, ce qui est un avantage considérable, pour moi qui aime m’étaler dans mon bordel d’une part, et d’autre part qui ai des réactions parfois sauvages lors mes expériences de vie commune. Ma propriétaire, Raïssa Mikhailovna, qui est la grand-mère de ma copine Olga (elles s’appellent toutes pareil les demoiselles, tout comme en Russie), est haute en couleur. Assez rude, elle passe une heure à m’expliquer comment nettoyer la baignoire, où se trouvent les casseroles et surtout qu’il ne faut jamais oublier de refermer les fenêtres. S’en suit alors un cours d’ouverture et de fermeture des trois portes ( !) et des cinq serrures de l’appartement… Cette paranoïa est assez caractéristique des grandes villes soviétiques, qui ont vécu des vagues de cambriolages à répétition durant les années 90.

La délinquante à la bouteille

D’ailleurs, j’en ai fait moi-même les frais le deuxième jour de mon arrivée, où j’ai failli atterrir au poste pour une histoire de bouteille de Sprite… La chaleur étant ici infernale, je m’achète une bouteille de Sprite dans un kiosque avant d’entrer dans un petit supermarché faire mes courses. Au moment de payer, la suspicieuse et imposante caissière remarque ladite bouteille et me demande d’un air inquisiteur : « d’où est ce qu’elle sort, cette bouteille » « heu rpondis-je dans mon russe rendu hésitant par l’accusation sous-jacente, dans un kiosque, là bas ». Elle se saisit de la bouteille et gromelle « hum… elle est encore froide, comme si elle sorait juste du frigo…Vera ! Viens voir ! ». Et la surgit de derrière une deuxième caissière tout aussi imposante et inquisitrice qui me demande les mêmes explications, alors que le barbu qui faisait la queue derrière moi me défend « Voyons, elle ne mentirait pas pour quelques kopeks ». Vera me fait alors remarquer que si effectivement j’étais bien entré avec la bouteille dans le magasin, alors j’aurais dû le signaler à l’entrée, que ce n’était pas normal, et elle appelle un magasinier, qui se saisit de ma bouteille pour aller vérifier dans les stocks si elle provient du magasin. Il revient 5 minutes plus tard, me rend ma malheureuse bouteille et signale à Vera que non, je ne l’avais pas volé. En guise d’excuse, Vera me marmonne « bon ben la prochaine fois vous le direz à l’entrée, hein, mmmblmlmml… ». Pas de doute, on est bien en terre ex-soviétique…



mercredi 18 juillet 2007

L’épopée

Je ne vous ferai pas plus languir, les enfants, vous qui, je le sais, dépérissez sans votre dose de blog. A l’heure qu’il est, coincée dans mon café avec un WiFi qui ne marche pas, plus de sous ni de réseau sur mon téléphone pour envoyer une vanne à un tout jeune diplômé et de surcroît rendue mollassonne par les 36 degrés à l’ombre qui sévissent dans la capitale Orange, je trouve le moment idéal pour poursuivre le récit de mon voyage.

Un couple Arlequin

Me voilà donc tant bien que mal installé sur mon demi-siège, dans le petit bus brinqueballant qui me mène à Varsovie. Heureusement, le temps est passé vite car s’en est suivi une discussion animée et rieuse, toujours en globish, avec le petit couple qui se partageait le siège et demi restant. De drôles de cocos, ces deux-là, leur histoire est digne d’un roman Arlequin. Le monsieur est mexicain, la demoiselle polonaise, ils se sont rencontrés sur internet. Lui a quitté mère, père et boulot pour venir la rejoindre à Lodz, ils prévoient de se marier et d’aller s’installer en Italie, où la jeune fille (de mon âge) avait fait ses études… En les écoutant me raconter avec les yeux qui brillent leur première rencontre à l’aéroport, je me suis dit que certes, ils vivent encore la période d’état de grâce des couples qui se sont désirés longtemps sur MSN avant de se voir en chair et en os, que le fossé culturel, la confrontation avec la vie quotidienne ou tout simplement la « descente » qui suit la période euphorique du début de relation a de grande chance de les faire déchanter très vite, et que le retour à la réalité risque de faire mal. N’empêche, ils en ont de la chance, ces deux bougres. Ils auront au moins ça à raconter à leurs petits-enfants, l’hébétude de la famille mexicaine lorsque le jeune homme les a avisés que non, il ne partirait pas finir ses études au Canada mais à Lodz, en Pologne, et leur stupeur lorsqu’il leur a annoncé au bout de deux semaines que non seulement il ne rentrait pas mais qu’il allait se marier et vivre à Milan…

Étals à poisson et vicissitudes de la langue slave

Une fois arrivée à Varsovie, je souhaite bonne chance à mon petit couple Arlequin et j’aborde une longue et hostile journée. Mon rendez-vous professionnel, le premier, le vrai, tout en russe, se passe plutôt pas mal. Pas de patrons a qui je montre sans le vouloir mes dessous, mais une dame polyglotte, très pédagogue, presque maternelle, qui me dit de bien faire attention avant de partir à Kiev, que là bas c’est pas comme en France (sans blague ?). N’empêche, je me rends compte que j’aurais dû mieux préparer mon entretien, parce que j’ai eu l’air un peu bête lorsque j’ai pataugé dès la première question « quelle est l’activité de votre entreprise » à chercher désespérément des périphrases pour les mots « inox », « équipement », « étal à poisson » dans la langue de Pouchkine…

Je passe le reste de la journée à promener mon cul sur les remparts de cette drôle de ville, au centre-ville flambant neuf, très moderne, mais avec quand même des troupeaux d’unijambistes qui mendient dans les gares.

L’étrange affaire du barbu sur le quai

Il s’est passé un drôle de phénomène sur le quai de la gare de Varsovie, au moment de l’arrivée du train de nuit pour Kiev, un événement assez inexplicable. Un jeune barbu qui me dévisageait depuis une ou deux minutes s’approche de moi et me dit (en français) : « T’es française, non ? Tu étais à Moscou l’an dernier ? »… Là, pour le coup, je n’en suis pas revenue. Évidemment, son visage ne me disait rien du tout, mais après une discussion d’une demi-heure dans mon compartiment, je me souviens effectivement d’un Suédois (car s’en est un !) francophone croisé à une soirée une fois à Moscou, en avril ou mai de l’an dernier, avec qui je n’avais pas échangé plus de deux mots, mais qui m’avait paru particulièrement branleur. Et il m’avait reconnue, malgré mes cheveux courts, mon tailleur, et le changement radical de contexte (car je n’ai pas tout à fait la même tête éméchée à une soirée moscovite et exténuée après une journée de voyage à Varsovie, le tout à un an d’intervalle…). Après cette rencontre, je ne l’ai pas revu. Et je pense tout de même que, parfois, il y a des trucs chelou qui se passent.

Olga la brune

Comme vous le constatez, ce voyage a été riche en rencontres. La dernière a été Olga, ma compagnonne de voyage dans le train. Elle revenait d’un séjour en Pologne, pour, m’explique-t-elle, voir son ami, un homme d’affaire anglais de vingt ans son aîné, qui est très gentil parce qu’il lui offre des cadeaux mais qu’elle songe à quitter car il n’a probablement pas de projets de mariage. En fait, du haut de sa trentaine bien proportionnée, cette belle brune me raconte que depuis quelques années, elle se cherche activement un mari sur internet, de préférence anglais, ils sont plus calmes. « Les Ukrainiens sont des saoûlards sans le sou qui finissent toujours par de frapper. Je ne veux pas de cette vie-là ». Elle vient d’un petit bled du sud-est de l’Ukraine, enseigne l’anglais pour des clopinettes et s’est acheté un appartement avec les économies faits sur les cadeaux de ses généreux amis. En parlant avec elle, je me rends compte que toutes ces annonces matrimoniales Google, qui vous propose d’épouser une belle Ukrainienne dès que vous tapez « pays de l’est » dans le moteur de recherche, cachent aussi cette réalité. Je l’ai d’autant plus senti lorsque, me questionnant sur la France comme le faisait aussi Ania, elle conclut que finalement j’ai bien de la chance de pouvoir choisir mon homme « iz-za liubvi, a nie iz-za doxoda » (par amour, et non pas en fonction de ce qu’il gagne ---là dessus moi je dis, les deux, c’est mieux, hein Rémi… ☺ ). Je n’avais jamais considéré les choses sous cet angle, mais maintenant qu’elle le dit, je me demande ce que j’aurai fait de ma vie si j’étais moi aussi issue d’un bled isolé, pauvre, avec des hommes qui boivent et des conditions de vie pourries. Cette rencontre marquante est une belle entrée en matière, une introduction poignante pour ce séjour ukrainien que j’attaque…

lundi 16 juillet 2007

Lodz, suite et fin

Ca en fait du temps que vous vous impatientez de savoir quelle a été la suite des aléas de mon séjour complètement oriental… Ne vous en faites pas, j’ai des valises entières d’impressions, de souvenirs et d’anecdotes à vous relater. Un petit point d’abord : il y a eu déplacement géographique depuis la dernière fois, je suis maintenant à Kiev, prête cette fois-ci à m’enraciner un peu plus qu’en Pologne. Je suis arrivée vendredi dernier, par le train de nuit après 18 heures de voyage depuis Varsovie, mais commençons par le commencement : je vous ai abandonnés à Lodz, je vous reprends à Lodz.


Considérations générales sur le charme de la ville et sur l’étrangeté de consonance du polonais

De Lodz, je ne retiendrai pas grand-chose de plus que ce que j’ai évoqué la dernière fois : une ville sans charme proprement historique, mais dans laquelle une certaine atmosphère plutôt agréable naît des très nombreuses anciennes fabriques en briques rouges, parfois désaffectées, parfois remises à neuf, qui truffent le centre-ville. Le polonais est une langue bizarre, qui ressemble pas mal au russe mais qui en est suffisamment éloignée pour que je me sente totalement perdue. Même leur monnaie à un nom qui me semble sorti d’un roman de science-fiction : le zlotys. Ca fait très futuriste, on imagine la monnaie utilisée par le peuple Zgorbuk sur la planète Y237…

Ania l’intrépide

Je me souviendrai bien plus d’Ania, jeune collègue polonaise de ma boîte qui m’a prise sous son aile. On communiquait dans ce globish florissant de fautes que j’ai déjà évoqué la dernière fois, qui était toutefois plus élaboré que celui parlé avec le jeune théologue de l’avion. Ania est une jeune femme dans le vent, avec qui j’ai fait du shopping, papoté garçons et droit à l’avortement en sirotant un chocolat et braillé « Independant Woman » des Destiny’s Child quand la chanson passait à la radio de sa voiture. C’est ma première copine de ce séjour, j’en garderai donc un souvenir ému. Celui que j’affectionne particulièrement a trait à mon départ de Lodz, je vous le raconte dans un instant, mais comme j’essaye de conserver une certaine chronologie, je vais d’abord vous parler des garçons polonais dans les ateliers.

Mieux que les plombiers : les soudeurs polonais !

J’aurais voulu faire quelques shoots de ces jolis prolétaires en bleus de travail qui oeuvraient dans l’atelier de ma boîte, que j’aurais publiés avec une légende les comparant aux fameux plombiers polonais qui ont tant fait fantasmer les foules. Pour aller déjeuner, il fallait traverser l’atelier, et ça ne ratait pas, ils arrêtaient toujours leur machine à souder pour nous regarder passer, Ania et moi, se retournant aussi peu discrètement que possible. Ania était agacée, moi je trouvais ça marrant, de voir ces nounours musclés aux mains rudes nous balancer des œillades un peu grossières.

Où il est question de zèle et de bouton…

Sinon, j’ai aussi eu mon premier rendez-vous professionnel, on va dire un prélude, car celui-là comptait pour de faux. J’ai juste accompagné mon chef polonais chez un pote à lui, français, qui avait ouvert sa boîte en Ukraine, pour qu’il me donne quelques contacts. Le seul élément marrant de cette histoire est mon zèle à paraître la plus impliquée possible, posant plein de questions pour que mon chef se dise que je suis la bonne personne pour ce stage, et ce tout en luttant discrètement contre le bouton de ma chemise situé juste au niveau de mon soutien-gorge qui par trois fois s’est dégrafé, parfois sans que je m’en aperçoive, laissant tout le loisir de ma lingerie à mes interlocuteurs… J’ai fini par trouver moi-même la scène cocasse, et je me suis un peu détendue.

Le départ

Le jour de mon départ de Lodz a été dur. Lever 6h, transport de mes 20 kilos de bagages (une véritable tonne pour mon petit corps faible, imaginez-vous) jusqu’au parking où m’attendait Ania, puis petit-déj assises sur un banc devant la gare, pas bien longtemps d’ailleurs puisque nous nous sommes fait chasser par un clodo (pas unijambiste, celui-là, mais il aurait pu !) qui puait la pisse. Je rappelle qu’il était environ 7 heures... Puis nous apprenons que l’autobus de 8h pour Varsovie est plein, qu’il va falloir prendre le suivant, à 10h, ce qui est impossible car j’ai un rendez-vous (un vrai celui-là, en russe de surcroît) à Varsovie à 12h. Prendre un train est un peu difficile, la solution est donc de négocier avec le chauffeur du bus de 8h dès qu’il arrive. Ah, mes amis, il fallait la voir, la Ania, se jeter sur le chauffeur à peine les portes du bus ouvertes, et l’assommer d’une litanie en polonais, me désignant et prenant un ton mi-stressé mi-suppliant. Selon un témoignage que je vous détaillerai plus tard, tout le bus était au courant que j’étais une pauvre petite française perdue en Pologne qui devait en urgence se rendre à Varsovie, à croire que ma vie en dépendait… Son insistance a été plutôt fructueuse, et je suis finalement montée dans le bus pourtant déjà plein, et j’ai partagé un siège avec celui d’un jeune couple. Et, avec mon cul posé sur ce demi siège, j’étais plutôt bien lotie parce que le chauffeur a fait monter bien trois ou quatre autres personnes, qui ont fait tout le trajet debout.

Je vois que pour cette première partie, j’ai déjà beaucoup écrit, et comme je ne veux pas vous assommer de texte, je vais donc vous faire patienter un peu avant de publier la suite de mon séjour mouvementé. A suivre donc, les aventures de Natacha de Lodz à Kiev. Qu’on se le dise !

PS : en relisant les commentaires de mon dernier billet (continuez, surtout, j’adore les commentaires !) je ne puis m’empêcher de relater les paroles de Tomek, chef de la production de ma boîte à l’anglais approximatif, mais très déterminé dans ses paroles : « When you see many many workers, but (prononcez « bat ») few machines, no good, it is manual work, but where there is many big machines and few few workers, ho-hooo, interesting (roulez le « r ») they must make big money. ». Cette philosophie de la rentabilité dans l’atelier m’a fait bien marrer : des grosses machines, le moins d’ouvriers possible, car ces couillons coûtent cher, se mettent en grève et en plus, comme ce ne sont pas des machines, ce qui veut dire que leur boulot n’est pas parfait. Alors, mes chers défenseurs des prolétaires qui lisez ce blog, laissez donc la tombe de Makhno tranquille et venez plutôt faire la révolution dans les ateliers polonais, venez protéger la valeur travail, l’intelligence de la main contrainte de céder du terrain devant ces monstres les machines, symboles inhumain d’un capitalisme robotisé… Qui donc me parlait de faire un argumentaire sur l’échec du capitalisme en Pologne ?

samedi 7 juillet 2007

Histoire de bien commencer mon séjour...

Mes amis, pour inaugurer ce blog estival, rien de très sexy, trashy, kinky, pardon à ceux que j’ai habitués à du plus croustillant dans une antérieure version. Juste quelques petites impressions que je rédige histoire de pas trop m’emmerder depuis ma chambre d’hôtel. Mais ne désespérez pas, après tout ce n’est qu’un début…
Je précise qu'avant de me rendre à Kiev, je passe quelques jours à Lodz, en Pologne. Je suis arrivée hier.

Avant-Propos : considérations livresques sur l’art de voyager quand on est totalement à côté de la plaque

Quitter son petit nid, ce n’est pas une mince affaire ; si voyager est un désir que tout étudiant bobo qui se respecte proclame à qui veut l’entendre, le rendre effectif est un tout autre problème. Quoi de moins glamour que d’amener de toute urgence un énorme sac Ikéa de fringues sales à la laverie histoire d’avoir quelque chose à se mettre sur le dos une fois sur les routes ?
Il y a aussi l’inévitable énumération de ces petits objets quotidiens qui nous paraissent si anodins mais qui deviennent cruellement indispensables une fois absents. On se surprend à se demander si on sera capable ou non de vivre sans son gant de crin ou son exemplaire d’ « une exécution ordinaire » (348 pages, le salaud… il aurait pu abréger, j’ai pas que ça à emporter moi). Et puis il y a la cornélienne courbe d’indifférence qui se trace entre le désir de voyager sans s’encombrer et la soudaine nécessité d’emporter la moitié de sa garde-robe.

C’est bien simple, 24 heures avant de partir, je n’avais pas de passeport, personne à Lodz n’était au courant de mon jour d’arrivée et je ne me souvenais plus du nom de la monnaie polonaise. Mes affaires, sales pour la plupart, étaient ventilées aux quatre coins de l’appartement de Rémi, et pas une seule seconde je n’avais réfléchi à l’organisation de mon départ. Familièrement, je pense qu’on pourrait appeler ça « partir à l’arrache ».

Mais, une fois la machine lancée, le stress cède peu à peu la place à la curiosité. Rien que dans le bus pour l’aéroport de Beauvais, je remarquai qu’il n’y avait quasiment que des Polonais autour de moi. C’est une drôle de langue, tout de même, c’est un peu comme du russe, mais avec des « pch » partout et des diphtongues à consonance brésilienne.


Introduction à la Polonologie

Mais le dépaysement a commencé une fois à bord du boeing. J’étais coincée entre deux jeunes Polonais ; celui près de la fenêtre m’a tout de suite adressé la parole, et pendant le vol on a babillé joyeusement dans un sabir globish mêlé de quelques mots de russe. Lukas revenait de son premier séjour en France, c’était la deuxième fois de sa vie qu’il prenait l’avion. J’appris que c’était un étudiant en théologie qui voulait devenir prêtre. Je ne savais même pas que ce genre d’animal existait… Avant de sortir de l’avion il m’a demandé de le prendre en photo, le sourire jusqu’aux oreilles, et de bien faire attention au cadrage pour qu’on voit le hublot derrière… A ma droite, Pavel, casque de DJ sur les oreilles branché à son Palm, restait concentré sur son exemplaire de Maus traduit en polonais. Deux aperçus vivants, plutôt sympathiques , de ces jeunes qui peuplent la Pologne aujourd’hui…

Lodz, ses manufactures et ses moustachus…

On m’avait bien prévenu que Lodz n’était pas une très jolie ville. Pas de monument ni de vieux quartiers qui valent vraiment le coup, ce n’est pas le genre d’endroit qui attire les cars de Japonais. Pourtant, c’est loin d’être la ville industrielle post-soviétique la plus laide que j’ai visité (Ijevsk… rhaaa). Le centre-ville est plein d’anciennes manufactures en brique rouge comme j’en ai vues pas mal à Moscou, à l’abandon pour la plupart, vétustes avec les vitres cassées, mais une ancienne fabrique de textiles a été tout récemment rachetée et retapée par des investisseurs français pour la plupart. Ils en ont fait un grand centre commercial tout en préservant les murs de l’ancienne manufacture. Le résultat n’est pas mal du tout, et c’est en voyant ce genre de travaux que je me dis, au risque d'en hérisser certains, finalement le business, le grand capital, tout ça, c’est pas si mal... Le centre commercial en question est clair, vivant, très moderne, ce qui tranche avec les rues sales et les moustachus patibulaires qui les peuplent aux alentours.

Regard d’experte : le Polonais (et sa femelle, la Polonaise)

Maintenant, petite typologie accélérée du Polonais. Je suis arrivée hier, l’impression rendue sera donc très partielle, une ébauche que je complèterai si besoin est. Une bonne gueule de slave dans l’ensemble, genre « attention russkoff » gravé entre les deux yeux, visible à des kilomètres. Mais le Polonais est, contre toute attente, moins laid que le Russe. Il y a toujours ces moustaches, ces bedaines, ces pommettes saillantes et ces coupes MacGyver reconnaissables entre mille, mais l’effet d’ensemble, concernant la gent masculine, est moins effrayant que chez les Popoffs d’en haut. Les demoiselles ont quant à elles la même blondeur oxygénée et les mêmes nez en trompette, mais sont largement moins bitchy que les Moscovites. Bon, Lodz est une ville de province en même temps, il faudrait voir à quoi ressemblent les chicks à Varsovie.

Conclusion et avis du jury


Même la bouffe m’a plutôt agréablement surprise, pourtant l’est n’est pas réputé pour sa gastronomie. Bon, mieux vaut aimer le cochon et les patates, rien d’extraordinaire, mais on sent un effort quand même. Dans l’ensemble, je m’étais préparée à un endroit glauque, limite suicidaire, mais j’ai plutôt l’impression d’un pays en train de doucement renaître. Et puis, je sais pas, on sent qu’on est en Europe quand même. Pas d’aveugle mutilé unijambiste qui vend ses choux pourris à chaque arrêt d’autobus, pas trop d’ivrognes agonisants ni de mafia cylindrée très apparente. Bref, ça ressemble beaucoup à la Russie, mais en plus civilisé. Attendons de voir la suite du programme…